L’établissement s’élève sur un grand mamelon composé des structures effondrées sur la longue pente au nord du kef Dougga qui dévale vers l’oued ben Nsira, un affluent de l’oued Khalled. La vallée plantée d’orge et de pois chiches, est, à l’est, couverte d’oliviers (près des sites 109, 256, 34, 35, 36, 114 et 127). Le mamelon et les pentes rocheuses de l’oued sont incultes. Situé au pied de deux sources, l’une dans site 114 et l’autre dans site 38, l’établissement 31 a été muni d’un caniveau conduisant l’eau de la source (site 38) à la ferme. Le dénivellation de 45 m entre cette source et la citerne ouest de la ferme s’étend sur une distance de 350 m. Le gradient a dû promouvoir un écoulement continu afin d’éviter la perte d’eau par les joints mâle et femelle entre les caniveaux en calcaire blanc. La livraison a dû être faible telle qu’elle l’est aujourd’hui, autrement le canal n’aurait pas tenu l’impact de la pression de l’eau. Vers le soir le site est traversé deux fois par le troupeau de la ferme moderne (site 114), lorsque les animaux vont s’abreuver dans le fond de la vallée transformé en lac collinaire en 1994-95.
On distingue cinq phases de construction. La première se rapporte à la structure rectangulaire (superficie 415 m²) dans le centre (défini ci-dessous ‘corps central’) élargie (2e phase) d’un corps allongé (95 m²) à l’est, dont l’extrémité orientale est soutenue par une citerne à double mur et des chaînes d’angle verticales de grand appareil à robustes blocs bossés équerrés, et des pierres d’angle en crossette. La superficie de l’édifice de la deuxième phase s’est accrue ainsi à 530 m². Trois chaînes d’angle verticales de la citerne rectangulaire en pierre de taille sont bien conservées, celle de l’angle nord-ouest à une hauteur de 3 m: le deuxième bloc (en comptant à partir du bas) est taillée en crossette. La chaîne d’angle verticale nord-est du corps central n’est pas conservée, peut-être parce qu’elle a été incorporée dans l’annexe nord-est ajoutée pendant la troisième phase (sup. tot. 778 m²). Un bloc d’ancrage a été remployé dans le coin nord-ouest et un contrepoids placé verticalement dans le coin sud-est. L’entrée à cette annexe se trouve dans le mur d’enceinte sud-est à côté du contrepoids réutilisé comme décrit cidessus: le jambage et le linteau (fragmentaire) d’entrée se sont effondrés près du seuil encore en place, une situation similaire à celle du pressoir du site 205. Le côté bref sud du seuil présente les logements réduits à moitié des coins utilisés pour débiter le bloc dans la carrière (de Vos 2008, 270, fig. 2). Le pressoir muni de trois éléments encore en place sur le côté nord du corps central a été ajouté pendant la quatrième phase (sup. tot. 896 m²). On a obtenu le bloc d’ancrage en taillant une encoche à queue d’aronde au centre du côté long d’un seuil. Le contrepoids ne présente pas le canal habituel transversal sur la face supérieure du bloc parallélépipédique. La base était composée de plusieurs dalles, une desquelles présente une section de rigole circulaire; elle est placée en face du bloc d’ancrage. La présence sur place de ces trois éléments permet de calculer la longueur du levier: 7,5 m. Les 15 leviers étudiés par nous dans la région de Thugga dont on peut reconstruire la longueur, sont divisés en deux groupes: il y a sept exemplaires d’une longueur de 4 à 8 m, les huit autres font partie du groupe de leviers longs de 8 à 12 m. Les valeurs du levier de la presse appartenant à la troisième phase de l’établissement 31 sont parmi les plus élevées dans le premier groupe. Le côté ouest du corps central est précédé d’une enceint ou édifice ajouté pendant la cinquième phase (sup. tot. 1666 m²): des additions de l’époque tardive de ce type sont fréquentes (sites 25, 34, 47, 49, 131 et 500). Le cinquième corps construit à l’époque tardive aussi au sud du corps central, est très perturbé, probablement à cause du gourbi (21,8 m²) de l’époque moderne (sixième phase) construit dans la zone située entre les deux corps. Deux pierres tombales d’inscription double ont été réutilisées dans le mur est du quatrième corps (voir ci-dessous).
Le corps central comprend les vestiges in situ d’une presse: outre les parois transversales du bassin et du socle de la maie on observe des fragments du pavement en opus signinum concentrés dans la zone de la presse. Les encoches à queue d’aronde dans les côtés brefs du contrepoids sont taillées à décrochement, comme c’est le cas du contrepoids remployé verticalement en fonction d’orthostate dans le coin sud-est de l’annexe de la deuxième phase. Les dimensions et la forme des encoches des deux contrepoids en forme de queue d’aronde sont semblables au point de suggérer qu’ils formaient un couple dans le pressoir original. Le contrepoids dans le corps central dispose de trois petites cavités dans la partie supérieure, dont la fonction nous échappe. La pièce de la presse était très étroite, comme dans le torcularium du site 063: 2,4 m. Situé sur la ligne des orthostates du mur nord du corps central et près du bassin de la presse à l’est se présente un bloc à demi-chapiteau du pilastre éolique typique de la Numidie hellénistique. Le chapiteau qui a une volute vers la droite, pourrait appartenir à un mausolée préromain sacrifié à la construction de la ferme durant l’Empire Moyen. Un chapiteau similaire avec la volute vers la gauche est documenté dans un dessin de Carton (1895, 149, fig. 45). Les deux chapiteaux proviennent certainement du même monument. La maie à deux rigoles circulaires (cf. site 210) fragmentée en grès rose et réutilisée verticalement comme orthostate peut provenir de la presse du corps central. Le grès rose provient de la carrière de Henchir el Khima auprès d’Uchi Minus dans la vallée de l’oued Arkou. Les maies en grès rose sont distribuées surtout dans les sites du bassin de l’oued Arkou, l’exemplaire fragmentaire du site 31est le plus éloigné de la distribution de cette pierre qui ne dépasse pas un rayon de 16 km. Le grès est plus dur en calcaire et pour cette raison plus résistant à la pression du levier et aux acides contenus dans l’huile et dans le vin.
Sur le versant nord de la ferme se trouve un quatrième contrepoids fragmenté, cassé en deux, avec une encoche à queue d’aronde. Il aurait pu être jumelé avec le contrepoids adjacent.
Les deux bassins circulaires en calcaire gris, dont un a été déplacé au nord de la ferme et l’autre au sud de la citerne (Ø 0,9 m), peuvent être interprétés comme meules pour le premier traitement des olives; ces meules avaient généralement un diamètre plus grand. Le deuxième bassin, qui a un carré creux au centre de la partie inférieure, pourrait appartenir à une presse à vis ou à un mélangeur (voir le site 369). Le seuil remodelé par un creux semi-circulaire qui se trouve ex situ au sud de la citerne, doit avoir eu un rapport, certainement, avec l’action rotative suggérée par les deux éléments circulaires.
Dans la zone sud a été déposé un bassin fragmenté du type utilisé pour recueillir l’huile ou le vin pressés. Ces bassins sont trouvés in situ dans les pressoirs des sites 25, 214 et 276 et ex situ dans le pressoir du site 47; le bassin du site 179 n’est pas relié à une presse. La source (site 114) est captée actuellement dans un sarcophage. Deux fragments similaires de sarcophage sont déposés sur le versant en amont de la ferme site 31 et en aval du mausolée semi-circulaire 38, peut-être provenant du même mausolée et réutilisés comme fontaine bassin pour recueillir l’eau de la source.
Les blocs utilisés dans la construction du corps allongé de la citerne (deuxième phase), présentent une encoche étroite rectangulaire sur la face supérieure destinée à une pince ou louve de levage utilisée dans la phase de construction. La citerne est construite en opus vittatum ininterrompu aux coins arrondis à l’intérieur d’une ‘boîte’ en opus africanum en orthostates qui délimite l’ensemble du corps. Le double mur témoigne de la préoccupation des constructeurs de donner de la solidité à une structure implantée sur une forte déclivité du terrain, pour qu’elle résiste à la pression des eaux dans le réservoir et au poids de la structure ci-dessus (dans les sites 207 et 512 les presses sont placées juste au-dessus de la voûte de la citerne). Souvent on observe cette préoccupation, v. site 172. Pour obtenir une plus grande solidité les pierres d’angle ont été coupées en crossette (comme dans le site 78, ainsi que dans l’angle nord du même site 31: voir ci-dessus).
Un seuil d’une porte cochère avec crapaudine en saillie destinée à loger le pivot de la porte est ex situ au nord de la citerne; il provient de l’annexe de la troisième phase, où son jumeau est encore in situ. Ces dispositions se retrouvent non seulement dans d’autres exploitations (p. e. sites 21, 175 et 570), mais aussi dans la cité de Thugga, dans l’entrée du souterrain des Thermae Licinianae et dans les Maisons du Labyrinthe et de Dionysos et d’Ulysse, à Bulla Regia dans la Maison d’Amphitrite et à Thuburbo Maius. Une base élégante de pilier ou kyma mouluré réutilisé en position verticale peut provenir d’un tombeau démantelé, ainsi que deux épitaphes. Le labour des champs auprès du site a mis au jour des blocs de taille et un cylindre avec des encoches carrées sur les côtés courts, semble avoir été destiné à fonctionner comme broyeur d’olives.
Carton 1897, 51:
Carton 1895, 152:
de Vos and Attoui 2013, 37.
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