L’établissement se trouve au pied du plateau (cuesta) du djebel Gorraa, devant une dépression de la cuesta. Toute l’année l’eau descend de la source Aïn Zeroug (‘eau bleue’) à 730 snm vers l’établissement situé à 635 snm dans une oasis. En août, le plateau offre des pâturages verts, utilisés dans le cycle de la transhumance. Certaines zones sont utilisées pour la culture de céréales. Le calcaire Trias du djebel Gorraa (y compris le type de nummulithe) est utilisé comme matériau de construction, pour les éléments de pressoir pour les meules manuelles aussi bien qu’à traction animale. La riche végétation comprend des oliviers, figuiers, caroubiers, peupliers, grenadiers, céréales et le long de l’oued, des buissons épineux. Le nom de l’établissement, pagus Suttuensis, attesté dans trois inscriptions et qui se réfère certainement à un toponyme local semble survivre dans le nom actuel Chett. La toponymie montre la continuité de la vie post-antique et médiévale.
- Sépultures pré-romaines: les ressources locales et la protection naturelle contre le vent et la pluie nord-ouest que le sommet du Gorraa offre à l’henchir Chett, ont suscité un grand intérêt pour cette localité bien avant l’arrivée des Romains, comme en témoigne le type de deux tombes. L’inscription libyque rapportée par Chabot doit peut-être être encadrée dans ce contexte chronologique et typologique. Il est également concevable que l’abri sous la roche, à 700 m au nord-ouest de henchir Chett, a été utilisé à l’époque préhistorique.
- Hanout site 134, E 509339, N 4033501, H 735; AAT 24 feuille Souk el Arba.
L’accès à la chambre funéraire rupestre passe à travers un dromos taillé dans la roche et une porte carrée munie de feuillures pour loger une dalle agissant comme battant.1 À l’intérieur, en face du mur ouest, un sarcophage avec deux extrémités arrondies est taillé dans le roc selon la typologie hellénistique attestée dans les territoires de Carthage, de la Cyrénaïque, de l’Étrurie et de l’Asie Mineure. Le tombeau est isolé, tandis que normalement les hawanat sont situés dans des clusters.
- ‘Dolmen’ site 149, E 509460, N 4033531, H 707. La sépulture mégalithique située à mi-pente rocheuse entre le hanut (site 134) et l’établissement romain (sites 66,150 et 476) est détruite, les dalles sont en partie décalées. Un autre dolmen isolé (site 133) est situé à 2 km au nord-est, au pied de la paroi rocheuse du djebel Gorraa.
Monuments romains - Le temple de l’époque romaine, est situé à 635 snm. La différence de hauteur entre la source Aïn Zeroug et le temple est de 115 m, sur une distance de 130 m, ce qui fait donc une pente de 88%. L’édifice carré est couvert d’une voûte d’arête avec quatre contreforts ou fausses tours carrées en saillie aux angles. L’interprétation de l’édifice comme temple d’Esculape, est inspirée par le nom local donné à l’édifice el Khenissia (‘église’, Roy 1882, 263) et une inscription mentionnant Esculape gravée sur le ‘montant de la porte d’entrée de la cour’ (Poinssot 1885, 30). L’inscription, en réalité, est gravée sur le cippe funéraire nord de la cour du bordj et se réfère à un prêtre du culte d’Esculape. La condition de conservation du bâtiment est relativement bonne, même s’il est utilisé comme entrepôt de céréales et étable de bétail. Selon Carton 1904, 55 la voûte d’arête est antique, y comprise la couverture de tuiles. Partie antique. La seule porte d’entrée antique est située dans le mur ouest, avec les montants et le linteau monolithique encore in situ. Les montants mal conservés sont renforcés par des supports de blocs antiques, restreignant l’entrée des deux côtés. Dans le mur est, face à l’entrée, se trouve une niche dominée par un linteau monolithique visible de l’extérieur, faisant saillie entre les contreforts aux angles du bâtiment. En réalité, ces fausses tours en saillie à l’extérieur et à l’intérieur de la salle carrée ne sont que les piliers soutenant la voûte. La technique de construction du bâtiment est en opus vittatum de moellons irréguliers avec des petits blocs carrés dans les angles et des monolithes majeurs de bandeaux, linteaux et montants. L’imposte de la voûte est constituée de dalles saillantes moulurées, qui sont insérées dans les quatre contreforts d’angle.
Partie moderne construite avant 1882. L’entrée du bâtiment a été précédée d’une cour. L’intérieur de la niche et les espaces entre la projection extérieure de la niche et les deux contreforts d’angle ont été remplis de maçonnerie de petit appareil, en prévision de la construction du premier étage. L’intérieur de la salle carrée a été divisé en un premier étage utilisé comme magasin de la Zaouïa de Sidi Abd el Melek, un moulin à grains et une presse à huile ont été installés au rez-de-chaussée (Balut 1903). Le pavement du premier étage a été construit sur deux voûtes en berceau soutenues par trois arches transversales érigées dans la salle au rez-de-chaussée. Sur les côtés sud et ouest du temple d’Esculape les bâtiments modernes au rez-dechaussée, bâtis de moellons antiques, sont renforcés et remaniés partiellement par des poutrelles de fer.
Un côté de la cour dispose d’un élégant portique à trois arcades soutenues par deux cippes funéraires avec des inscriptions inédites, l’un à deux cantons à sommet cintré (66-01, 66-02). L’autre cippe présente les contours du fronton et des balustres seulement gravés, non-sculptés (66-03). Deux chapiteaux corinthiens sont déposés devant ces cippes. Au-dessus de la voûte du portique, on observe les trous de logement des poutres qui soutenaient le balcon de dégagement entre les trois portes au premier étage [désormais clos]. L’eau de l’Aïn Zeroug est stockée en amont du temple d’Esculape dans un réservoir moderne construit de dalles antiques. L’eau poursuit son parcours dans un bassin circulaire placé à l’angle nord-est de la cour. L’excédent est collecté dans un bassin rectangulaire antique en calcaire au niveau du pavement pour être acheminé dans un canal qui traverse en diagonale le sol de la cour pavée de vieilles dalles en calcaire, et il aboutit aux jardins extérieurs. Le seuil de la porte dans le portique est constitué d’une maie en grès rouge provenant d’un pressoir antique. Une dalle en grès rouge de l’henchir Khima avec inscription funéraire était conservée jusqu’à 1994 dans le pavement de l’étable, puis elle est déposée dans la même ferme (66-04, 66-05).
- La Koubba et annexe sont construites avec des blocs antiques près du temple d’Esculape. La Koubba de Sidi Ahmed ben Abdel Melek est revêtue de plâtre blanc; un contrepoids a été muré horizontalement à la base de l’angle sud-est de l’annexe. Une colonne de schiste vert grec (cipollino) est déposée à l’ouest de la Koubba, du côté du cimetière moderne. La Koubba est construite en marge de l’oliveraie qui comprend l’ancien pressoir (site 476), une zone avec des blocs portant des inscriptions, des blocs d’ancrage et des contrepoids dispersés et, dans le secteur nord-ouest, un mausolée monumental.
- Le torcularium (site 476 E 509643, N 4033281, H 640) s’étend sur une pente. Le mur de fond en blocs parallélépipédiques et en opus vittatum est adossé au terreplein. Il conserve dans sa partie apparente deux blocs d’ancrage in situ, et un troisième bloc d’ancrage déraciné de sa position d’origine. L’espace réservé aux maies est recouvert de terre. Un second mur construit parallèlement sur la pente à 2,7 m de distance conserve un enduit étanche de tuileau du côté sud et délimite les deux réservoirs destinés à contenir l’huile ou le vin pressé. Les deux contrepoids fragmentés situés à un niveau inférieur, mais pas dans l’axe des ancrages peuvent appartenir au pressoir.
Éléments de presse Sur la base des éléments de torcularia éparpillés sur le pagus on compte huit autres presses. La grande concentration de presses est justifiée par le statut de pagus de l’établissement et favorisée par le sol, l’eau et le microclimat appropriés à l’oléiculture.
Mobilier Un fragment de meule manuelle courante en calcaire nummulithique blanc; quatre cylindres en calcaire dispersés autour du bordj.
4. Mausolée (site 150). Une construction sur un podium rectangulaire dominé par deux piliers qui soutiennent l’imposte d’une voûte d’arête est située à l’extrémité ouest de l’oliveraie. Un fragment de la voûte s’est écroulé sur le côté ouest du podium. Carton a visité l’intérieur du podium, interprétant le monument comme un columbarium à cause de la présence d’une chambre funéraire à trois voûtes souterraines et six niches récupérées dans l’épaisseur de la paroi nord. Chaque niche était destinée à contenir une urne funéraire. Le plan, les sections de la chambre funéraire souterraine et l’axonométrie du podium avec une balustrade publiés par Carton 1895. fig. 81 ont permis l’intégration du relevé réalisé en 1999. Les bases des piliers présentent une courbure qui se prolonge du demi-cercle de la partie sud du podium en guise de cavea de théâtre, et qui n’apparaît pas dans le plan ou dans la description de Carton. Cet espace pourrait servir à disposer les lits de banquet en sigma (stibadium) à la mémoire du défunt; ce type de tombes à exèdre similaire se trouve à Pompéi. Un seul bloc de la balustrade qui entourait la partie sud du podium, est déposé au sud du monument, en marge du champ arable. La technique de construction est en opus vittatum, avec des petits blocs rectangulaires dans les angles et avec des dalles sous l’imposte de la voûte en arête et des moellons biseautés dans le voussoir. On compte plusieurs éléments architecturaux du mausolée écroulés sur le sol en face du podium: une colonne de schiste vert (cipollino) (Ø 0,4 m; l. 3,56 m), un élément d’angle de la base moulurée en calcaire blanc (l 1,55 / 1,65; h 0,45 m) du podium surmonté d’une balustrade, un deuxième élément (1,65 x 0,45 m) de la même base moulurée déposé en aval, et un pilastre cannelé au chapiteau figuré (l 3,55 m ). Le côté du chapiteau aujourd’hui en position verticale (l 0,37, h 0,09 m) montre un thiasos dionysiaque composé de gauche à droite: Liber-nom habituellement utilisé en Afrique pour Dionysus-Bacchus (Hanoune 1986)- tenant un sceptre debout sur un char à roue à six rayons tiré par un éléphant et précédé par un Satyre tenant de la main droite un pedum; une figure ithyphallique massive vue de face (Silenus ?), légèrement traitée et peu caractérisée, est au centre de la scène et est précédée par un Satyre qui tient un pedum de la main droite et par Hercule qui soulève la massue et la leonté de la main droite. Le côté du chapiteau aujourd’hui en position horizontale (l 0,42; h 0,07 m) représente un autre motif dionysiaque: deux rinceaux de vigne habités par de petits animaux sortent d’une calice au centre. L’extrémité supérieure des cannelures est remplie de motifs différents sur le côté long: feuille, ovolo, rosette; le côté le plus court est décoré de coquilles bordées d’une série de trous circulaires percés au trépan tournoyant. Le thème dionysiaque figure souvent dans des contextes funéraires: il fait allusion au cycle saisonnier et à l’immortalité.
[1] Carton 1895, p. 253; APR n°11, p. 52-54; de Vos 2000, 17, fig.20
Aounallah 2010, 79, 132, 134.
Bonello Lai 1997, 253 note 36.
Carton 1904, 54-7.
Carton 1895, 249-53, fig. 81-3, 331 F., 370-71.
Desanges et alii 2010, 2223.
de Vos and Attoui 2013, 55.
de Vos 1997, 206.
de Vos and Attoui 2011, 49-54, fig. 21-6.
Gavini, Mastino and Zucca 2012.
Lassère 1977, 130.
Merlin and Poinssot 1908.
Monchicourt 1913, 325:
Poinssot 1885.
Roy 1882, 263.
Ughi 1997, 221.
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